samedi 2 janvier 2010

Les boussoles n'en finissent pas de perdre le nord


Depuis une dizaine d'années, le pôle Nord magnétique se déplace de 55 km par an vers la Russie. De quoi brouiller les cartes.
Pour ceux qui l'auraient oublié, le pôle Nord géographique ne correspond pas tout à fait au pôle Nord magnétique, point vers lequel convergent, depuis leur invention par les Chinois aux alentours de l'an mil, les boussoles et, plus récemment, les compas des avions et des bateaux.
Selon les derniers relevés effectués in situ, en avril 2007, par une équipe franco-canadienne dans le cadre du projet Poly-Arctique, le pôle Nord magnétique se trouvait à environ 550 kilomètres au sud du pôle Nord géographique, au large de l'île canadienne d'Ellesmere, à très exactement 83,95° de latitude nord et 121,02°de longitude ouest
Non seulement l'écart entre les deux pôles est significatif, mais il ne cesse de varier au fil du temps. En 1831, lorsque l'explorateur britannique James Ross le localisa pour la première fois, le pôle Nord magnétique était centré sur la péninsule de Boothia (Canada), vers 65° de latitude nord, soit en deçà du cercle polaire, à environ 2 750 km du pôle Nord géographique ! Depuis, il ne cesse de s'en rapprocher. «Jusqu'en 1989, ce déplacement vers l'ouest s'est fait à un rythme relativement lent compris entre 5 et 15 km par an, puis il s'est brusquement accéléré pour atteindre 60 km par an jusqu'en 2002 avant de se stabiliser autour de 55 km par an», explique Arnaud Chulliat, chercheur à l'Institut de physique du globe de Paris et au CNRS qui a participé à l'expédition Poly-Arctique. À ce rythme, le pôle Nord magnétique pourrait dépasser le détroit de Béring (180° de longitude ouest) et donc basculer vers la Russie, aux alentours de 2020 !
Comment expliquer un tel phénomène et surtout pourquoi sa vitesse a-t-elle soudainement quadruplé pendant la décennie 1990 ? Pour Arnaud Chulliat, qui présentait ses conclusions, la semaine dernière à San Francisco, lors d'une conférence de l' American Geophysical Union (AGU), ces variations seraient dues à de brusques changements survenus à la surface du noyau, à plusieurs milliers de kilomètres sous terre. Ce dernier est composé d'une «graine» de fer solide et chaud (5 000 °C) de 1 200 kilomètres de rayon qui baigne dans une enveloppe liquide (ou noyau externe) de fer (à 80 %) et de nickel animée de mouvements de convection, à la manière d'une casserole d'eau que l'on met à bouillir sur le feu. Ce sont ces mouvements qui génèrent le champ magnétique terrestre, comme le ferait une énorme dynamo.
À partir de modèles de simulation numérique, l'équipe d'Arnaud Chulliat suggère l'existence d'un mystérieux «panache» magnétique qui remonterait depuis la surface de la «graine» vers la zone du noyau externe correspondant à la position actuelle du pôle Nord magnétique. Une chose est sûre, ce phénomène «très localisé, n'est pas de nature à influencer l'ensemble du champ magnétique terrestre». Lequel protège la Terre des particules du vent solaire, impropres à la vie, ainsi que des fameux orages magnétiques susceptibles de porter atteinte aux satellites et aux réseaux de télécommunications.

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